Commissaire Nicolas Bernier

ESPACE (IM) MEDIA 2016
09.09 — 24.09 / 2016

MOT DU COMMISSAIRE – NICOLAS BERNIER

Préambule : le son qui interpelle

La Vitrine sonore que propose Sporobole est un acte téméraire, voire dangereux. Car bien que le passant soit quotidiennement immergé dans les communications publicitaires, les logos, les signalisations, les indications et autres stimulus visuels, l’ouïe du passant n’est que peu sollicité. Pourtant, bien qu’il puisse fermer les yeux, il ne ferme jamais les oreilles. Si peu habitué à se faire interpeller par le son en pleine rue — je parle ici d’interpellation consciente et non des sons déjà présents dans l’environnement—, un des dangers est de lui faire peur. L’inconnu fait peur. Ce son organisé de façon consciente qui atteint le lobe du passant par l’entremise des 16 hauts parleurs de la Vitrine sonore est une source d’inconnu. Quels sont les moyens d’entrer en contact avec le passant? Évidemment, il n’est question, dans la Vitrine sonore, de faire jouer de la musique d’ascenseur pour interpeller le passant de façon (trop) confortable. Pourtant, cet enjeu d’interpellation, de dialogue, m’apparaît fondamental dans un projet comme celui de la Vitrine sonore. Il s’agit comme d’un dispositif, qui, par défaut, ne possède pas seulement une fonction de présentation artistique, mais une fonction sociale : c’est un outil de sensibilisation au sonore ; un outil de communication avec le passant ; un outil de développement du public ; un outil de création d’expériences hors du commun.

Vision artistique : passage/linéarité

Cette conscience du rôle social du dispositif proposé par Sporobole sera l’un des guides de mon travail de commissariat qui se fera à priori sous le signe de l’éclectisme. Je vois la Vitrine sonore comme un champ d’expérimentation et il m’apparaît crucial que, dans ses premières années d’existence, nous lui conférions un maximum d’étendue dans le champ des possibles artistiques. Dans cet esprit, les artistes que je propose ont chacun des démarches bien différentes, voir antagonistes. Ils ont des âges, des vécus, des formations, des parcours et des esthétiques tout aussi différents.

Malgré un éclectisme assumé, je proposerai aux artistes, une thématique, ou plutôt une idée, ou plutôt un mot, simplement, car je veux que cette ouverture des possibles demeurent une ouverture complète. Cette thématique ne sera pas rigide et pourra très bien être écartée si elle ne stimule pas d’idées.

Cette idée est celle de la ligne

Il est en effet peu commun pour l’artiste sonore d’avoir à travailler sur une ligne de 16 haut-parleurs. En quoi cela affecte-t-il le travail? Comment peut-on mettre à profit cette façon singulière de disposer le son sur plusieurs canaux contrôlables de façon distincte? La ligne peut-être une ligne : droite, courbe ou brisée. Elle peut-être une ligne de code, d’horizon, des pointillés, de pixels. La ligne peut se présenter comme une frontière : géométrique, géographique, géologique, artistique. Un trajet, une interface entre l’intérieur et l’extérieur, entre le privé et le public, entre le passant et le créateur.

Sélection des artistes

Line Katcho

Line Katcho est une jeune compositeure de musique électroacoustique et de musique visuelle. Je ne la connais pas beaucoup, il s’agit de ma Wild Card. Cependant, même si nous n’avons eu que de brefs échanges, le feu qui l’anime est palpable. Son travail est celui d’une esthète, à l’antipode du conceptuel, elle est dans le senti, dans le mouvement. Pourtant, l’écoute de son travail émet une sensation de plein contrôle, une vivacité, un savoir-faire hors norme. Ligne chaotique.

Description de la pièce de l’artiste sur le site d’Espace (IM) Media

Herri Kopter (alias Jérôme Minière) 

Jérôme Minière est connu au Québec pour sa chanson oscillant entre pop, folk et électronique. Cependant, ce dernier a le courage de l’expérimentation, n’hésitant pas à s’aventurer loin des sentiers battus du monde de la chanson. En 2001, il proposait un album d’électronique/ambiante/expérimentale sous le pseudonyme Herri Kopter, son alter ego expérimental. En 2007, il participait à un programme de création sonore commissarié par Eric Mattson à la Casa del Popolo. En 2009, je l’invitais à collaborer sur l’environnement sonore de la pièce de théâtreUne fête pour Boris, texte de Thomas Bernhard mis en scène par Denis Marleau. J’aimerais donc ici faire cette proposition hors du commun, autant pour lui que pour le public des arts sonores que pour le public néophyte ou le passant dans la rue. Ligne esthétique.

Description de la pièce de l’artiste sur le site d’Espace (IM) Media

Adam Basanta

Basanta est probablement l’un des jeunes artistes sonores les plus prolifiques au niveau national en ce moment. Il propose un travail éclaté, sans frontière, passant allègrement des compositions spatialisées sur dispositif multicanal, à la création audiovisuelle, au monde de la musique instrumentale contemporaine, en passant par l’improvisation. Ses travaux récents exploitent justement la ligne par la création de dispositifs simples où microphones et haut-parleurs « discutent » en créant des réseaux de feedback. Ce type de projet installatif tout en étant vivant m’apparaît comme une belle avenue de création pour la Vitrine sonore. La ligne, frontière fragile.

Description de la pièce de l’artiste sur le site d’Espace (IM) Media